Raffaello
On est lundi. Un jour de merde. Même dehors. Faut que je traverse la route mais j’arrive pas à me décider. Je me fume une autre clope et puis j’y vais. J’ai décidé d’en finir avec cette histoire une bonne fois pour toutes. Putain, quel bordel ! Et dire que tout est ma faute. J’en ai pas loupé une. Je me suis gouré sur toute la ligne. J’ai eu quinze ans pour cogiter et j’avais que de la merde dans la cervelle. Contin a pété un câble. Giorgia a raison, c’est qu’un dingue dangereux. Quand je suis sorti de chez lui, j’avais le sang glacé. J’avais l’impression d’être mort. Ce connard m’a tranquillement avoué qu’il a buté Oreste et sa femme, « guidé » par sa Clara. Sauf que sa Clara, elle est morte et enterrée. Je me rappelle encore trop bien quand je lui ai tiré dans le bide. Il les a tués à coups de manche de pioche. Un monstre. Voilà ce qu’il est devenu. Non, faut en finir une bonne fois pour toutes avec cette histoire. Quatre morts pour un putain de braquage, c’est beaucoup, c’est trop. Je finis ma clope, je passe cette porte et je mets le mot fin. Stop, basta. Et c’est à moi de le faire. Je suis le seul qui peut empêcher que cette histoire n’en finisse jamais. Après avoir vu ce tordu de Contin, je me suis mis à gamberger. J’ai traversé toute la ville en essayant pour une fois de faire marcher ma petite tronche. Et à la fin, tout a été clair. Je suis allé chez Giorgia. Je lui ai dit que je voulais aller voir la mer. Elle a compris. Les putes ont le don de lire en toi. Le matin, elle s’est habillée comme une dame et elle m’a emmené en voiture. On est allés sur la côte romagnole. Un coin plein d’hôtels. Presque tous vides en cette saison. On a pris une belle chambre dans un beau petit endroit. Élégant et discret. Moi, je voulais aller tout de suite à la plage mais Giorgia a dit qu’avant, elle voulait faire l’amour. Elle l’a dit comme ça. Pas baiser, ni tirer un coup. Non, faire l’amour. C’était elle qui me désirait. Je me suis encore mis à chialer et elle m’a léché les larmes. Puis elle est montée sur moi et a agité doucement son gros cul, en me murmurant des mots doux qui m’ont mis du baume au cœur. On a marché le long de la mer, en silence, en nous tenant par la main. Moi, de temps en temps, je m’arrêtais et je regardais au loin pour me remplir les yeux de vie et de liberté, et elle, elle m’enlaçait fortement. Comme d’hab, j’avais pas un rond en poche mais Giorgia avait pensé à tout. Dans l’après-midi, elle m’a emmené dans une boutique et elle m’a habillé des pieds à la tête. Pour le repas du soir, on est allés dans un resto de luxe. Y’avait même un type de la télé qui mangeait avec une nana galactique. On a bu du champagne. Beaucoup. Je regardais autour de moi et je voyais que de la richesse et des gens qui s’amusaient. Et moi, j’ai un cancer, quatre morts sur la conscience et ce taré de Contin qui me lâchent pas et ça, c’était du concret. Parfois, je me disais que moi aussi j’étais comme les autres. Giorgia avait la langue bien pendue. Mais elle a jamais affronté les sujets pénibles. Elle parlait comme une épouse. Je sais pas si elle faisait semblant ou si elle profitait elle aussi de ce voyage à la mer pour jeter toute la merde d’une vie derrière elle. J’en sais rien. Ce que je sais, c’est que quand je crèverai, je penserai à elle. La nuit, au pieu, elle m’a pas sucé. Trop de champagne. Je l’ai mal pris. Elle m’a dit de pas m’en faire. Elle m’a chouchouté comme un gamin et le lendemain matin, j’avais la bite dure comme du bois. Je dormais encore quand elle a commencé à me pomper. Putain, les gars, quel réveil ! En prenant ma douche, j’ai eu un peu de tristesse en pensant qu’elle aurait pu être ma femme si j’avais pas tué cette mère et son gosse. La nuit du samedi, on est allés danser. Une danse non syncopée. Je me rappelais plus d’un seul pas et on aurait dit un ours de cirque. On a beaucoup ri. Et beaucoup bu. Le lendemain matin, on est retournés à la plage. J’ai enlevé mes godasses et mes chaussettes et je suis rentré dans l’eau. Elle était gelée. Mais je sentais rien. En face de moi, y’avait que la mer et le ciel. Je me suis mis à marcher jusqu’à ce que Giorgia m’attrape par les épaules. « Tu vas où, mon chéri ? » elle m’a dit et à ce moment-là je me suis aperçu que l’eau m’arrivait à la taille.
Et puis j’ai raconté ce que je comptais faire. « Pourquoi ? » m’a-t-elle demandé. « C’est difficile à expliquer. Je te l’ai dit uniquement parce que je veux pas que tu penses du mal de moi. »
On est revenus en ville en pleine nuit et j’étais ivre de tristesse. Elle voulait que je reste dormir chez elle mais fallait que je dise au revoir à ma mère. Giorgia s’est mise à chialer, elle m’a embrassé sur le front et elle est retournée tapiner.
On est lundi. Un jour de merde. J’ai fini ma clope et faut que j’me décide. Avant de sortir, j’ai embrassé maman. Elle a pleuré elle aussi. Bon, maintenant j’en ai ras le cul et je vais la traverser cette putain de rue.